mardi 9 octobre 2012

La méditation, une façon d'être


Jon Kabat-Zinn : "La méditation est une façon d'être, son essence est universelle"

LE MONDE | • Mis à jour le
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Jon Kabat-Zinn, professeur de médecine émérite à l'université du Massachusetts, docteur en biologie moléculaire, 68 ans, est l'inventeur de la méditation laïque, dite "de pleine conscience". Il vient, avec son épouse Myla, d'écrire un livre, A chaque jour ses prodiges - Etre parent en pleine conscience (Ed. Les Arènes, 412 p., 24,80 €). Il fait le point sur la méditation et ses bienfaits.


"La méditation est une façon d'être. Son essence est universelle. Je la pratique depuis l'âge de 22 ans. Elle diminue le stress, l'anxiété et la souffrance psychique, mais aussi physique", explique le professeur de médecine, Jon Kabat-Zinn.
Qu'est-ce qui vous a incité à laïciser la méditation bouddhiste ?
La méditation est une façon d'être. Son essence est universelle. Je la pratique depuis l'âge de 22 ans. Elle diminue le stress, l'anxiété et la souffrance psychique, mais aussi physique. La pleine conscience est un moyen de "déplier" nos vies. Elle a la capacité d'influencer le monde dans lequel nous vivons, notre famille, notre travail, mais aussi la société. Elle nous donne plus de clairvoyance et nous permet d'accéder à des dimensions de notre être que nous avions négligées. En 1979, j'ai fondé une Clinique de réduction du stress. Dans un monde d'accélération exponentielle, il est important d'apprendre à se poser, à développer ses capacités d'attention aux autres et à soi-même.

Comment définir la méditation de pleine conscience ?
C'est la conscience qui émerge, qui se déploie, à partir du moment où l'on prête attention,
intentionnellement et sans jugement. La méditation est une façon d'être, adaptée aux circonstances dans lesquelles on se trouve. Si nous sommes préoccupés, nous ne pourrons pas être présents aux autres. Tout ce que nous dirons, ferons ou penserons sera influencé, à notre insu, par ce qui nous encombre l'esprit. Méditer en pleine conscience consiste à se concentrer sur l'instant présent et à observer ses pensées, ses émotions, ses sensations. L'objectif est d'accueillir ses états d'âme sans jugement et de ne pas s'identifier à ses pensées ou à ses émotions.

Vous êtes à l'origine du programme MBSR (mindfullness-based stress reduction, "réduction du stress par la pleine conscience"). En quoi consiste-t-il ?
Pendant huit semaines, les patients s'entraînent, chaque jour, à la méditation en pleine conscience, et ce pendant quarante-cinq minutes. Ces programmes connaissent un succès croissant. Aux Etats-Unis, 550 centres, hôpitaux ou cliniques utilisent la MBSR ; ils sont aujourd'hui 700 à travers le monde. En Amérique du Sud, à Hongkong, en Australie, des établissements renommés s'ouvrent à ce programme. C'est une méthode qui s'adresse aussi bien aux soignants qu'aux patients, aux cadres, aux entrepreneurs, aux sportifs de haut niveau. J'ai moi-même entraîné l'équipe américaine d'aviron pour les Jeux olympiques de 1984, et un de mes collègues, George Mumford, a suivi les Chicago Bulls. L'armée américaine s'y intéresse pour augmenter la résilience des soldats. Je vais bientôt en Corée du Sud et au Japon pour enseigner la MBSR dans les hôpitaux ; à cette occasion, je vais rencontrer des officiers de l'armée américaine.

Comment analysez-vous l'accueil plutôt frileux dans les milieux médicaux en France ?
J'apprécie beaucoup la France, où j'ai étudié pendant un an au lycée Henri-IV, à Paris. J'étais désolé que mon livre Au coeur de la tourmente, la pleine conscience, sorti aux Etats-Unis en 1990, ne soit traduit en français qu'en 2009 aux éditions De Boeck, alors qu'il était sorti en Allemagne en même temps que l'édition américaine. La France est profondément cartésienne. On établit une distinction entre le corps et l'esprit. Mais la science démontre chaque jour un peu plus qu'il n'existe aucune séparation fondamentale entre les deux.

Existe-t-il des études prouvant les bienfaits de la méditation de pleine conscience ?
Parmi les nombreux bienfaits scientifiquement validés, la méditation de pleine conscience conjuguée avec la thérapie cognitive diminue de 50 % le risque de rechute chez des patients ayant déjà subi au moins deux épisodes de dépression grave. Chez les patients atteints de psoriasis, elle facilite la guérison. Le traitement par photothérapie est stressant. Avec le docteur Jeff Bernhard, chef du service de dermatologie à l'université du Massachusetts, nous avons formé deux groupes de patients. Pendant ces séances de photothérapie par UV, l'un faisait des exercices de méditation, l'autre non. Les patients qui méditaient guérissaient quatre fois plus vite. Cette étude clinique est un bon exemple de médecine intégrative qui comprend des traitements médicaux conventionnels et non conventionnels.
En collaboration avec le docteur Richard Davidson, de l'université du Wisconsin-Madison, nous avons mené auprès de deux groupes une autre étude sur le bien-être et la santé. Un premier groupe prenait part au programme de huit semaines de MBSR. Avant la formation à la méditation, les schémas d'activation cérébrale des deux groupes étaient identiques. Mais, après les huit semaines d'entraînement, les méditants affichaient une augmentation de l'activation dans certaines régions du cortex frontal gauche, alors que l'inverse s'était produit pour le groupe qui n'avait pas suivi la formation. Ces changements cérébraux signalent une augmentation des émotions positives et une gestion plus efficace des difficultés en situation de stress. Les études sur la méditation de pleine conscience connaissent un développement sans précédent.

Le livre que vous avez écrit avec votre épouse offre aux pères et aux mères des outils pour être plus efficaces dans leur "métier de parent". Que leur conseillez-vous ?
D'être présents pour leurs enfants et de leur accorder une attention juste, dans les moments heureux, mais aussi dans les moments difficiles. L'esprit est tellement versatile, et les adultes d'aujourd'hui sont tentés de répondre aux SMS, de vérifier leurs mails. Les enfants sentent quand l'attention de leurs parents est ailleurs. Une façon simple de revenir à l'instant présent consiste à se concentrer sur le souffle. Autre leçon très importante, il ne faut pas prendre personnellement des choses qui ne sont pas d'ordre personnel. Sinon, on ne voit que son point de vue et non pas la situation dans sa globalité. Il faut voir ses enfants tels qu'ils sont et non pas tels qu'on voudrait qu'ils soient. Nous conseillons aux parents d'avoir conscience de leurs attentes face à leurs enfants et de se demander si elles sont vraiment dans leur intérêt.

Les instituteurs aux Etats-Unis s'emparent aussi de la pleine conscience pour apprendre aux élèves à être plus attentifs...
On demande aux enfants d'être attentifs, mais on ne leur apprend pas comment faire. Au milieu des années 1990, une institutrice d'une école primaire de l'Utah a introduit la pleine conscience dans ses cours. Chaque jour, elle offrait aux élèves un temps, jamais plus de dix minutes, pour devenir "intime avec soi-même". La capacité de concentration des enfants en a été renforcée. Ils étaient plus calmes. Il y a beaucoup de problèmes de discipline aux Etats-Unis. Du coup, dans de nombreux établissements scolaires, des écoles primaires mais aussi des lycées et des universités, les élèves font des exercices adaptés de la méditation de pleine conscience.

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